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La réponse d'Arbon à L'Unité d'habitation de Marseille (1952) de l'architecte franco-suisse Le Corbusier est la rencontre heureuse de deux frères, du capitalisme social et d'une époque définie par l'optimisme, la réinvention et l’éveil social.

Dans la Suisse de l'après-guerre, l'architecture avait pour objectif d'apporter des réponses aux questions de changement social radical et de croissance économique sans précédent. La tour Saurer, construite à Arbon en 1960, a été un point d'exclamation précoce dans cette discussion. Ce bâtiment en béton de 13 étages sur pilotis a introduit la forme d'habitation en hauteur en Thurgovie et les duplex modernes pour les familles de la classe ouvrière.

Tout au long du XXe siècle, Arbon, ville historique située sur la rive sud du lac de Constance, entre Constance et Bregenz, était synonyme de Saurer, l'un des principaux fabricants mondiaux de camions, de bus, de véhicules militaires et de machines textiles. Dans l'après-guerre, l'entreprise était à son apogée et employait plus de 5 000 personnes. Confrontée à un afflux rapide de travailleurs, Arbon avait un besoin urgent de logements neufs et abordables.

C'est Albert Dubois, le directeur général de Saurer à l'époque, qui a eu l'idée géniale. Il a demandé à son frère, qui était architecte, de concevoir un bâtiment qui créerait un espace de vie pour 200 "familles Saurer". En même temps, il s'agissait de donner une forme architecturale au statut de l'entreprise en tant qu'entreprise socialement responsable et acteur mondial tourné vers l'avenir. Georges-Pierre était l'homme idéal pour ce projet, ayant travaillé dans le bureau de Le Corbusier de 1937 à 1940.Naturellement, un tel homme a saisi l'occasion de réaliser sa version de l'Unité pionnière.


Dubois a réduit et optimisé le concept d'Unité pour répondre aux besoins et aux réglementations locales ainsi qu'aux normes de qualité plus élevées de Saurer. Son projet initial d'un complexe de deux tours a été abandonné pour des raisons budgétaires. Composée de 95 appartements, la structure est divisée en deux unités : la façade sud est réservée aux appartements, tandis que des duplex empilés longent la partie nord. On accède à ces dernières par des passerelles ouvertes. Tous les salons et certaines chambres à coucher sont orientés vers l'ouest et sont disposés soit au niveau inférieur, soit au niveau supérieur de chaque appartement. Les duplex offrent une vue panoramique sur le lac de Constance et l'arrière-pays bucolique de Thurgovie. Le toit n'a pas la piscine de l'original marseillais, mais une institution très suisse : une buanderie commune. Elle rappelle vaguement la passerelle de commandement d'un paquebot, peut-être un clin d'œil à l'obsession nautique de Le Corbusier. Elle surplombe une rangée de neuf séchoirs à linge rotatifs Stewi, soigneusement alignés.

À ce propos, Arbon possède l'un des plus beaux lidos du pays. Qui aurait envie de barboter dans une mini-piscine sur le toit ?

Ayant eu 60 ans en 2020, la tour résidentielle ne montre pas son âge. Des topiaires soigneusement entretenues bordent l'allée. Au milieu d'un vaste espace vert et d'un parc communal, le domaine respire la perfection d'une carte postale que seule la Suisse parvient à produire. Au fil des ans, la composition des locataires s'est diversifiée. Aujourd'hui, les célibataires et les couples sont bien plus nombreux que les employés de Saurer et les familles avec enfants. Les étages ne se disputent plus les matchs de football, mais l'esprit communautaire reste intact. En 2009, une rénovation complète a permis de moderniser le béton, l'infrastructure et les cuisines. Le nombre de pièces par duplex est progressivement réduit pour permettre un habitat plus spacieux. Cette beauté de béton au cœur jeune profite manifestement de ses années de Whiskey. À la vôtre.

© Karin Bürki/Heartbrut

© Karin Bürki/Heartbrut

(© Bauen+Wohnen / ETH E-Periodica)​

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